Dirigeant emblématique de l’EC Vélizy 78, Jean-Michel Richefort a accepté de revenir sur le record de Robert Marchand, dont il est l’entraîneur.
« Ce fut un réel plaisir d’encadrer Robert en m’appuyant sur les valeurs humaines qui m’animent. Valeurs d’attention et de respect envers un homme qui nous fascine tous et qui a besoin d’un entourage protecteur et bienveillant. Ce lien social entre l’individu et ‘‘ les autres ’’ est indispensable à mes yeux. Tous ses amis du club (de Mitry-Mory) qui le côtoient régulièrement, en sont les garants et les témoins. Je tenais ici à réaffirmer ma démarche pédagogique à son égard, relative à l’encadrement technique de «cette heure historique». Afin d’éviter tout amalgame avec une quelconque visée de performance où l’on a trop souvent tendance à vouloir pousser l’individu dans ses derniers retranchements.
Les 5 jours qui ont précédé sa tentative, Avec Gérard Mistler, son mentor et président de l’Ardéchoise qui en pris entièrement à sa charge l’aspect financier, nous étions dans le principe de vigilance et de précaution. L’objectif étant de permettre à Robert de réaliser une heure de vélo dans les meilleures dispositions physiologiques et anatomiques possibles, sans excès, et surtout en prenant du plaisir. La performance était tellement éloignée de nos préoccupations. Seules SA santé et SON autonomie sur le vélo m’ont guidé.
Le jour J, étant positionné au bord de la piste, en contact direct avec lui, mon seul souci était qu’il aille au bout de »SON heure ». Sa concentration, son allure et sa trajectoire rectiligne, signes d’une progression régulière, me rassuraient. J’étais connecté pour suivre l’évolution de sa fréquence cardiaque, en relation avec le médecin qui nous accompagnait.
Entre Robert et moi, notre code établi par avance était le suivant : A chaque passage, je lui indiquais avec le pouce levé que tout allait bien et qu’il était dans l’allure. En retour Robert me faisait un petit signe de la tête. Nous étions en phase. Ce que nous avions envisagé ensemble, et avec l’expertise de Véronique Billat, conseillère scientifique, Robert l’a accompli avec exactitude. Le choix du braquet (46×17), sa cadence de pédalage (60 à 65 tours de pédales par minute), une progression de métronome établie à 40’’ au tour de piste (244m). Les maitre-mots étaient aisance et régularité.
Ici, la distance parcourue ne revêt qu’une importance relative. Nous nous en moquions éperdument. Tout le monde s’en fiche également. Le record ? Quel record ? La distance établie n’appartient qu’à lui. En revanche la symbolique forte que dégage un homme de 105 ans pédalant facilement avec le sourire, c’est bien cet aspect qui interpelle la population du monde entier et qui est le plus intéressant suivre, non? A une époque où la plupart de ses congénères ne possèdent plus la mobilité et encore moins l’autonomie, Robert possède 3 éléments indissociables et moteurs de vie : Il a des jambes (il roule merveilleusement bien), il a une tête (il cultive son esprit par la lecture), il a un cœur (il est capable de s’indigner contre une injustice). Mens sana in corpore sano. Respect ‘‘Mister Robert’’.
En ce qui me concerne, professeur d’EPS de formation, puis cadre technique du Ministère des sports (et modeste cycliste), c’est ce côté humain qui me passionne (Et qui m’a passionné durant toute ma carrière professionnelle). Je puis vous assurer que mon cœur battait plus fort que le sien. Ma plus grande crainte : Qu’il soit soudainement envahi de crampes synonyme d’arrêt brutal car Robert ne boit pas assez. Comme tous les êtres de son âge d’ailleurs.
En parlant de cœur, voici quelques chiffres : Au départ le cœur de Robert battait à 73 pulsations/minute. Durant 40minutes, il était stabilisé à 110/112 p/m avec une pointe à 123 p/m à la 55ème minute. Côté récupération, 15 minutes après le final, son »palpitant » était redescendu à 85 pulsations. N’est-ce pas le plus fascinant ?
Le côté excessif de cette journée mémorable fut certainement l’emballement médiatique. Je l’ai subi comme beaucoup et cela m’a mis parfois fort mal à l’aise. Cette déferlante médiatique n’était absolument pas prévue, ni préméditée. Mais les agences de presse et les télévisions ont amplifié cette surexposition médiatique. Il était impossible de stopper cette machine infernale et la bousculade finale des photographes et journalistes n’a pas contribué à restituer l’image positive que cette belle journée aurait méritée, au moment où la joie était présente chez tous ceux qui étaient venus l’encourager.
Sans vous importuner, il me paraissait important que je vous livrer cet aspect du contexte. En toute humilité.
Tout en vous souhaitant, ainsi qu’à tous les cyclistes de la planète, une belle année de vélo 2017 et surtout la merveilleuse santé de Robert…Marchand de bonheur ! «