Interview de… Téodoro Bartuccio (VCA du Bourget)

A 39 ans, le Directeur sportif du Vélo Club de l’Agglomération du Bourget (VCAB) Teodoro Bartuccio donne une nouvelle direction à son parcours de passionné du cyclisme. Celui qui a débuté le vélo à 8 ans, créé le club de Drancy (ancètre du VCAB) à 26 ans et monté une équipe de Division nationale 10 ans plus tard, veut désormais consacrer son temps au combat pour la sécurité des cyclistes. Entretien.

                          « Aller au bout du projet Mon vélo est une vie »

 

Radio Peloton : Quel bilan tires-tu de la saison sportive 2017 du VCAB ?

Téodoro Bartuccio : Positif ! Ma réponse va sembler étonnante puisque nous n’avons pas eu de victoire, mais je tire un bilan très positif –au niveau sportif- de cette année du VCAB. Pourquoi ? Parce qu’il est conforme à notre projet de départ. Lorsque nous avons décidé de monter une équipe de Division Nationale en 2015, la première année devait être consacrer à la découverte, et la deuxième à la formation des jeunes. On a réussi, et je suis satisfait de voir que nos coureurs sont très sollicités par les autres clubs : c’est bon signe !

 

 

Radio Peloton : Du coup, on ne comprend pas bien cette décision de stopper la DN3. Quelle est l’explication ?

T.B : Ça peut être compliqué à comprendre de l’extérieur, mais cette équipe est liée à ma personne depuis le début. J’ai créé le club en 2005 (à l’origine Drancy Sport), j’en ai été le Président puis salarié depuis 2009 et à l’initiative de l’équipe DN : ça semblait précipité et surtout trop risqué de mettre quelqu’un à ma place en si peu de temps. Et comme je voulais m’investir et aller au bout du projet « Mon vélo est une vie », il fallait faire un choix. C’est pourquoi, après mures réflexions partagées avec mon entourage et le Président du VCAB, nous avons décidé de ne pas solliciter notre place en DN3 l’année prochaine.

Radio Peloton : Tu veux t’investir sur Mon vélo est une vie : peux-tu déjà revenir sur l’origine de ce mouvement ?

T.B: Quand j’ai appris le décès de Grégoire Somogyi,ancien coureur de l’ESC Meaux, (décédé en mai 2017, percuté par un poids lourd à l’entrainement, ndlr), ça m’a fait un choc. Déjà parce que je le connaissais, mais en plus, après Michele Scarponi, j’avais l’impression d’une progression des accidents mortels de cyclistes. J’en ai parlé à ma femme le soir même en lui disant qu’au-delà de l’émotion, il fallait agir pour que ça s’arrête. J’ai appelé Niels Brouzes et on s’est mis d’accord pour organiser un rassemblement. En hommage à Grégoire, mais aussi pour alerter les pouvoirs publics des dangers vécus par les cyclistes au quotidien.

 

Radio Peloton : Tu as été reçu plusieurs fois par les pouvoirs publics, sans résultat ?

T.B: On ne peut pas dire ça. Nous avons été reçus deux fois par la Directrice de cabinet du Ministère des sports, une fois par le ministère de l’intérieur. Nous sommes écoutés par des personnes qui ont envie de changer les choses. Mais il manque la volonté politique pour débloquer les budgets nécessaires pour accélérer le système et s’y mettre. Du coup, rien de concret pour l’instant. Pour autant, il y a une prise de conscience, c’est déjà un premier pas.

Radio Peloton : Quelle suite veux-tu donner à ton projet ?

T.B: Nous avons décidé de mettre en place des comités régionaux « Mon vélo est une vie ». L’idée est de multiplier les actions de sensibilisation dans les régions. Nous visons la sensibilisation d’un public scolaire : pour eux en tant que jeunes cyclistes, mais aussi en tant que prescripteur auprès des parents quand ils sont en voiture, et enfin en tant que futurs conducteurs. On a demandé à l’Etat que cette sensibilisation devienne obligatoire.

Nous avons aussi le projet de diffuser une campagne de prévention sur les réseaux sociaux, revendiquer l’aménagement de pistes cyclables et enfin pénaliser ceux qui ne respectent pas les cyclistes sur les routes.

Radio Peloton : On a l’impression d’une sorte de rivalité avec « la route se partage » : c’est le cas ?

T.B : Non, ce n’est pas de la rivalité. Je respecte le travail des membres de cette association et c’est une bonne chose d’être nombreux à être sensibilisés à cette question. Je dis juste que même si elle est respectable, l’action de « La route se partage » reste de la communication (sur le Tour de France et les grandes courses) et ça ne suffit pas à apporter concrètement de la sécurité aux cyclistes. Ce que je ne veux pas, c’est que l’Etat considère avoir fait le job en finançant cette association (et accessoirement pas la notre). Mais encore une fois, je ne critique pas « La route se partage ».
Je suis convaincu que nous devons travailler ensemble, être complémentaires.

Téodoro Bartuccio. (Photo page Facebook, VCABoys).

 

 

 Radio Peloton  : Revenons au VCAB, quel projet pour 2018 ?

T.B : Nous poursuivons sur une logique de formation et de progression des jeunes, notamment en 2ème et 3ème catégorie qui seront encadrés par Anthony BARE (dirigeant des 2ème) et Quentin NOJAC.
Cette année, nous avons 90 licenciés dont presque un quart en école de vélo : on va poursuivre cet effort de promotion de notre sport là aussi.
A titre perso, je reste Manager du club en plus de « Mon vélo est une vie ». Et comme il faut montrer l’exemple, le club va faire des interventions de sensibilisation dans les écoles primaires à Drancy. On commence demain (interview le 13 novembre 2017, ndlr) !

Radio Peloton : L’année du VCAB s’est conclue par un drame terrible avec le décès de Mathieu Riebel, formé à l’EC Montgeron-Vigneux. On imagine que ce moment a été terrible pour toi et le VCAB ?

T.B : Oui, j’ai vraiment mal vécu ce drame. Ça m’a vraiment touché, et encore maintenant, il ne se passe pas une journée où je ne pense pas à Mathieu. J’ai perdu un copain… Que dire ? Il était trop jeune. A 20 ans, mourir sur son vélo… Il n’y a pas de mots pour expliquer ce que je ressens.
Comment expliquer qu’un jeune meure par passion sur son vélo. Je n’arrive pas l’encaisser.

Et évidemment, c’est la même chose pour les autres dirigeants et coureurs au niveau de VCAB. Il faut savoir que j’ai toujours voulu développer un coté familial dans notre équipe nationale. Tous se voyaient en dehors du vélo, tous étaient des copains de Mathieu.
Tout le monde l’a très mal vécu, et on continue encore aujourd’hui à le vivre très mal.

Photos : page Facebook du VCA du Bourget.

Propos recueillis par Christophe Dague.